C’est un jugement que nombre de Gabonais redoutaient, et il est tombé le 19 mai 2025 comme un couperet : la Cour internationale de justice (CIJ) a tranché le différend frontalier qui opposait le Gabon à la Guinée équatoriale depuis plusieurs décennies. Verdict : les îles Mbanié, Cocotiers et Conga sont désormais reconnues comme relevant de la souveraineté de la Guinée équatoriale.
Une décision qui a provoqué une onde de choc à Libreville, tant ces îlots situés dans le Golfe de Guinée revêtaient une valeur symbolique et stratégique forte. Pourtant, au-delà de la perte de ces territoires insulaires, le Gabon ne ressort pas bredouille de cette longue bataille judiciaire. Le nouveau tracé des frontières établi par la CIJ attribue désormais certaines zones frontalières de Mongomo et Ebebiyin – deux localités jusqu’ici équato-guinéennes – à la province gabonaise du Woleu-Ntem.
Un appel au calme dans un contexte sensible
Dans un contexte de vive émotion nationale, Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la Transition, a tenu à désamorcer toute tension en s’exprimant via sa page Facebook. D’un ton mesuré, il a appelé ses compatriotes à la « retenue » et à la « sagesse », estimant que « l’heure n’est pas aux déclarations précipitées ni aux réactions passionnelles ».
Une sortie qui vise clairement à contenir les frustrations populaires, mais aussi à rappeler le cap de la gouvernance actuelle : celui de la transparence et du dialogue. « Un compte rendu exhaustif sera présenté aux deux chambres du Parlement ainsi qu’au gouvernement », a-t-il assuré, soulignant que les deux experts gabonais, impliqués depuis près de vingt ans dans ce dossier, étaient attendus pour faire la lumière sur les implications concrètes du jugement.
Entre défaite symbolique et gain territorial
La décision de la CIJ clôt un contentieux qui remonte aux années 1970, alors que la découverte de ressources offshore avait ravivé les tensions entre les deux pays voisins. Si la perte des îles est perçue par beaucoup comme un recul diplomatique, l’intégration de zones continentales autrefois disputées au territoire gabonais pourrait être interprétée comme une compensation.
Mais à Libreville, le sentiment de perte domine. Plusieurs voix s’élèvent déjà sur les réseaux sociaux pour dénoncer un « abandon » ou une « capitulation ». D’où l’importance, pour Oligui Nguema, de recentrer le débat sur les principes qui fondent sa gouvernance : la paix régionale, la diplomatie et la souveraineté nationale.
Un cap diplomatique inchangé
Fidèle à sa ligne diplomatique, le président de la Transition a tenu à réaffirmer les liens « historiques et fraternels » unissant le Gabon à la Guinée équatoriale. « Nous privilégierons toujours le dialogue et la concertation avec nos voisins », a-t-il conclu. Une manière de refermer, avec prudence, un chapitre douloureux de l’histoire bilatérale, tout en maintenant ouvert le canal du dialogue.
Dans un pays en transition, où chaque geste politique est scruté, la gestion de cette affaire frontalière constituera sans doute un test important pour la crédibilité du pouvoir en place et sa capacité à fédérer une population en quête de stabilité et de justice.
Joseph Keurtys MABIMBA